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Article rédigé le 24 novembre 2018 à Girne (Chypre)

 

 

 

 

 

 

Le bateau était prévu pour minuit. Montés à bord (cohue idiote pour passer la douane – quelle bande de ploucs !) nous trouvions notre coin et nous allongions à même la moquette pour passer la nuit. A 3 h du matin nous n’avions toujours pas quitté le port. Eh qu’il fasse ce qu’il veut ce ferry ! Dormons.  Nous nous sommes réveillés en vue des côtes chypriotes, par un temps très doux et ensoleillé sur une mer d’huile. Petit déjeuner sur le pont. La côte très montagneuse se rapprochait.

Mais révisons un peu :

Chypre se situe à peu près à 100 km des côtes syriennes et 100 km des côtes turques. Elle fut tout au long de son histoire sous la dominance des Egyptiens, des Perses, des Grecs, puis des Ottomans, des Anglais jusqu’en 1960 et enfin indépendante. Depuis 1974, le tiers nord de l’île, située au-delà de la ligne verte (appelée ligne Attila par les Turcs)  est sous occupation militaire turque et en 1983, ce territoire s'est proclamé République Chypriote Turque. Cet Etat indépendant n’est reconnu que par la Turquie qui le soutient militairement, économiquement, démographiquement et diplomatiquement.

 

 

Drapeau chypriote turc peint sur le flanc de la montagne

 

Les forces armées turques y maintiennent près de 30 000 hommes (chiffres cités par Wikipédia) et la Turquie y a favorisé l'implantation de quelque 120 000 Turcs venant d'Anatolie depuis 1974. 200 OOO chypriotes grecs résidant dans la partie nord de l’ile  furent contraints à l’exode et les chypriotes turcs résidant un peu partout dans l’île durent se regroupés dans le nord. 

Chypre Nord : 300 000 habitants

Chypre Sud : 850 000 habitants

 

A Chypre on roule à gauche. Nous en avions perdu l’habitude. Même pas besoin de changer le rétroviseur de côté puisque, depuis la Corée du Sud, nous en avons deux. Nous avons cafouillé un peu pour arriver chez Tracy qui devait nous attendre. Personne. La clef de la maison était dans le pot de fleurs. Nous nous sommes donc  installés. Nous n’allions rencontrer notre hôtesse que le soir. Originaire d’Afrique du Sud elle fait partie de cette importante population d’étudiants noirs qui habite cette partie de l’île.

 

Le temps de prendre un café et une douche et nous sommes ressortis en quête d’un snack. Et c’est dans un jardin ombragé de vénérables oliviers, à quelques centaines de mètres de notre logis, que nous nous sommes arrêtés.

 L’endroit est très fréquenté par les étudiants de l’université toute proche qui viennent y boire un café ou grignoter une pâtisserie et discuter. J’appréciai cette ambiance calme et détendue, ces jeunes des deux sexes parlant et riant ensemble, certains se tenant par la main, les filles avec leurs longs cheveux libres, habillées de jeans et t-shirts.

Cinq universités accueillent 40 000 étudiants dans la zone turque.

 

«… le marché de l’enseignement supérieur est très porteur, eu égard aux frais de scolarité pratiqués, extrêmement élevés. La majeure partie des universités, aux noms anglicisés ronflants, dispense des cours en langue anglaise, drainant des populations turques aisées, venues d’Istanbul, Ankara et Izmir pour la plupart. Toutes les universités chypriotes turques sont privées. Ces établissements, parfaitement intégrés au système turc, n’imposent cependant pas d’avoir obtenu de résultat-plafond à l’examen sanctionnant la fin des études secondaires. Aussi les ressortissants turcs sont-ils souvent présentés comme issus de la « jeunesse dorée », comme des étudiants contraints de s’installer à Chypre à grand renfort de dollars pour pallier des résultats scolaires médiocres… » (Wikipédia)

Le port de Girne (encore appelé Kyrenia de son nom grec)

 

 

Une promenade jusqu’au vieux port et la citadelle nous donna tout de suite l’air du pays. Les vieilles bâtisses de grosses pierres taillées du port sont cachées derrière les devantures, terrasses et parasols des trop nombreux cafés et restaurants ou trainent, entre autres touristes, des retraités friqués allemands et anglais pour la plupart. Des bateaux de plaisance – et quelques barques de pêche – sont amarrés au pied des remparts de la citadelle dans un bassin jonché de tessons, cannettes, plastiques et autres déchets. Dans toute la ville, pas un coin de plage, pas un talus, pas un coin de parking qui ne soient transformés en décharges.

Vous êtes sur une plage de nidification des tortues - ne pas jeter d'ordures… Vu le nombre de tessons de bouteilles, ça va saigner !

 L’avenue principale est bruyante de circulation et nous notions un bon pourcentage de grosses bagnoles – Mercedes, BMW et même Jaguar et Porsche – qui tournent en rond sur quelques centaines de kilomètres de routes. Je m’offrirais le luxe quelques jours plus tard de couper la route à une Bentley. (C’est Dany qui m’a dit qu’il s’agissait d’une Bentley car pour moi, aucune différence avec une Simca 1000 Pigeot).

Bref, pas vraiment envie de s’attarder dans le coin.

Pas de problèmes, nous étions bien en Europe puisque nous avions retrouvé également les tags sur les murs et les panneaux routiers, les Africains qui s’engueulent avec véhémence sur le trottoir et même … le pain de chez Liddle !

 

Contrairement au parcours envisagé notre itinéraire allait s’établir suivant les chambres d’hôtels en promotion sur Internet. Impossible de flâner sans rien prévoir au risque de payer 60 € et plus chaque nuit. Nous avons retrouvé ici les prix européens. Quant à camper : la nuit tombant dès 17h nous n’en avions guère envie et de toute façon tout notre matériel était resté en Turquie.

L’île de Chypre est ceinturée de montagnes qui font comme une protection autour d’un grand plateau fertile et cultivé. C’est là qu’est située la capitale, Nicosie, en plein milieu, autrefois bien protégée par un rempart en forme de cercle.

Nicosie n’est qu’à 25 km de Girne, mais outre que la route montait abruptement, elle nous sembla trop fréquentée. Nous décidions donc de prendre le chemin des écoliers et de longer la mer vers l’Ouest. Alors là, rien d’intéressant. Des hôtels, des supermarchés, des lotissements et une circulation pénible. Puis nous avons bifurqué vers l’intérieur de l’île et nous sommes retrouvés dans les pins, avec de bonnes odeurs méditerranéennes de térébinthes et autres plantes sauvages, et ça s’est mis à grimper. Ainsi allions nous arriver sur un plateau nu, sans arbres mais de terres labourées.

A Nicosie, nous nous sommes  retrouvés, au pied des remparts de la vieille ville, devant un check point. Contrôle des passeports. Nous quittions le territoire Chypriote turc et pénétrions dans le territoire tampon de l’ONU. Des maisons abandonnées puis une chicane entre deux murs. 200 m plus loin nous attendait le check point Chypriote Grec. Contrôle des passeports à nouveau et, tout fier et content, Dany lança son premier « evkaristo poli » (merci en grec) quand on lui rendit le sien. J’essayai tout en roulant, de lire les enseignes de magasins écrites en Grec, mais la plupart était en Anglais. Quand même cela faisait du bien de se savoir en territoire grec.

Nous avions réservé deux lits en dortoir dans une Auberge de Jeunesse. Embrouille, malentendu. Je déteste ce genre de situation. Cela finit par s’arranger et notre bon droit fut reconnu, mais il nous fallut trouver autre chose pour les jours suivants. Cela prouve une fois de plus que les Auberges de Jeunesse sont bien souvent plus chères que les hôtels et n’offrent pas les mêmes services.

Dans la boulangerie du coin de la rue je me délectais à entendre une cliente parler cette belle langue grecque que j’aime tant. La première chose que nous achetions, ce fut une bouteille d’Ouzo. L’apéritif sur la terrasse de l’hôtel fut pris religieusement.

Nous avons donc déménagé pour un hôtel dans la vieille ville, intramuros. Et si cette appellation pouvait suggérer une architecture intéressante et de belles bâtisses, il fallut modifier nos attentes. Excepté l’évêché, deux ou trois églises et quelques ruelles tellement encombrées de boutiques de souvenirs et parasols qu’on arrive plus à lever les yeux, la vieille ville sent la sinistrose : magasins fermés, immeubles abandonnés, maisons en ruines, quartiers de taudis. Les Grecs ont déserté les lieux pour aller vivre hors les murs, dans des quartiers neufs plus au Sud et la population du  vieux  quartier est en majorité africaine, une population qui semble d’ailleurs beaucoup moins à l’aise financièrement qu’à Girne (notre port d’arrivée côté turc).

« La partie nord de l’ile voit arriver un afflux massif de réfugiés qui n’ont qu’à passer la ligne de démarcation pour se retrouver dans l’Union Européenne. Or la République de Chypre refuse de contrôler cette frontière de facto entre le nord et le sud, car elle considère que cela équivaudrait à reconnaître les frontières et par conséquent la République turque de Chypre du Nord. » (Wikipédia)

 

Deux rues piétonnes parallèles, longue théorie de restaurants et magasins de vêtements, mènent à un mur et un checkpoint. Et de l’autre côté, côté turc, eh bien c’est la même chose. Sorti d’un quartier  touristique  de restaurants et de marchands de glaces, on erre entre bâtiments à demi détruits, volets pendants, vitres cassées, de belles anciennes demeures abandonnées, tout cela tombant en ruines sans même avoir été muré par mesure de sécurité. 

On peut bien sûr ne pas sortir des trois rues commerçantes, manger un baklava et boire un thé après avoir visité la cathédrale Ste Sophie transformée en mosquée dès le XVIème siècle, et on trouvera que c’est gai, animé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mosquée cathédrale Ste Sophie

 

 

 

Mais revenons côté grec. Nous y avons visité le musée byzantin, riche d’une incroyable collection d’icônes. On y apprend alors que la plupart des églises situées dans la zone occupée depuis 1974 ont été pillées – les œuvres d’arts vendues par des filières à des amateurs européens -, vandalisées, démolies, ce que nous avions constaté déjà dans le vieux port de Girne. (Il vient justement d’être remis à la République de Chypre une mosaïque d’un prix inestimable retrouvée chez de riches collectionneurs en Provence). Certaines icônes ont été sauvées par les réfugiés qui ne partirent pas sans avoir mis les saintes images de leur église dans leurs valises parmi leurs effets personnels.

 

Ci-dessous deux icones peintes au XVème siècle

Un autre moment fort : la visite du musée archéologique. Incroyable ! Une collection de vases et statuettes antiques en terre cuite, toutes trouvées sur Chypre, qui nous a scotchés devant les vitrines. Les plus belles (selon nous), aux formes les plus émouvantes, d’une grande poésie, sont datées de 2 500 – 1500 av JC. Quelques-unes ci-dessous mais le choix a été bien difficile à faire. Nous aurions pu vous en offrir un bouquin entier.

Ces deux musées resteront pour nous ce qu’il fallait voir à Nicosie.

 

La météo annonçant des orages et un vent se renforçant en milieu de journée nous sommes partis dès 7 h du matin. Et le vent ne nous épargna cependant pas. L’orage nous tomba dessus juste avant la fin de l’étape.

Nous déplorions une fois de plus les tessons de bouteilles sur le bord des routes, apparemment jetés par les fenêtres des voitures. Et ceci sera général sur tout le pourtour de l’ile.

 

L’appartement loué près d’Iskele était parfait si ce n’est situé dans une zone balnéaire absolument hideuse, immeubles et tours champignons plantés un peu n’importe comme au milieu de nulle part. Mais bon, cela nous allait nous faire un bon camp de base pour visiter ce que nous voulions voir dans le coin. Et puis le confort pour ce prix-là (17€/nuit), ça ne se refuse pas.

Visite du site de Salamis à 8 km de notre logis. Une ville antique en bord de mer dont il reste bien peu de choses, sinon un gymnase et un théâtre. Cependant marcher dans ces sentiers jusqu’à la mer, découvrir dans la solitude, sous un ciel chargé, les pans de murs d’une ancienne basilique, des fragments de carrelages, la meule d’un ancien moulin à huile, c’était assez émouvant.

Le site de Salamis par Daniel

L’église de St Barnabé près de Famagouste

Sur la route de Famagouste l’église St Barnabé nous retint plus d’une heure. En plein champs une église orthodoxe et son enceinte, belle cour entourée d’arcades, lieu de paix comme nous les aimons – avant l’arrivée de six cars de touristes. Dans les bâtiments conventuels sont exposées des céramiques de l’âge de bronze trouvées dans des sépultures voisines, toujours aussi belles et de formes très imaginatives comme celles vues au musée de Nicosie.

Dans l’église transformée en musée les icônes non protégées, pas nettoyées, seront bientôt entièrement recouvertes des fientes des pigeons qui entrent comme ils veulent.

A l’entrée nous avait été remis un document en Anglais relatant l’histoire de St Barnabé et du monastère. Je ne peux m’empêcher d’en traduire un passage (n’oublions pas que nous sommes en territoire turc) : « après 1974 et l’opération de Pacification ( ?!), le monastère et l’église restent en activité grâce aux services de trois prêtres. En 1976 cependant, les trois prêtres durent partir dans la zone Sud, à cause de leur grand Age et de leurs maladies ( !)» La ponctuation entre parenthèse et le soulignement sont de moi. Voilà comment on peut écrire l’histoire à sa façon.

 

 

La traversée de Famagouste nous parut sans intérêt. Quelques 5 km après être sortis de ville nous nous sommes heurtés à un check point et avons quitté la zone turque pour entrer dans un territoire anglais. Le GPS nous fit prendre une route étroite qui se transforma bientôt en chemin agricole. Nous devions, quelques kilomètres plus loin, retraverser une ligne frontière. J’étais persuadée que nous allions buter sur une douane fermée puisque nous étions sur une route abandonnée. Mais nous sommes arrivés dans un lotissement de maisons neuves et spacieuses, puis dans un village tout aussi neuf. Fini les tours au milieu de terrains vagues, c’était propre et coquet. Tout était écrit en Grec et en Anglais. 

Tout autour de la péninsule d’Agia Napa ce sont des centaines de milliers de chambres ou appartements à louer qui sont, heureusement pour nous, quasiment vides à cette saison.

 

Nous nous sommes offert une tournée des églises et chapelles orthodoxes à l’intérieur des terres dans des villages sans âme mais dont chaque jardin est planté d’orangers, citronniers et mandariniers chargés de fruits.

Que nous aimons pousser la porte de ces minuscules chapelles isolées et entrer, humbles, timides, avec le sentiment de pénétrer chez quelqu’un pendant son absence ! J’en adore l’odeur de cire et d’encens. La mèche brule dans la lampe à huile, les napperons sont d’un blanc immaculé, repassés, amidonnés, le ménage a été fait récemment, pour preuve les balais, seaux et produits d’entretien stockés dans un coin. 

Nous avons  forcé un peu l’allure vers Larnaca afin d’avoir le temps de  visiter le musée archéologique de l’ancienne Kition avant de prendre possession de notre logement. Pas de chance, le site est fermé pour plusieurs mois. Il nous restait à voir le musée d’icônes St Lazare où nous trouvions porte close également.

Quand on a vu l’église St Lazare et une rue d’anciens entrepôts transformés en boutiques et restaurants, on a quasiment tout vu de Larnaca. Il ne reste donc qu’à faire comme tout le monde, marcher sur le front de mer qui ressemble à toutes les « Promenades des Anglais » du monde et boire un pot dans l’un des innombrables cafés-bars. Larnaca, c’est Cannes, Mandelieu, Saint Rafael, etc.

 

Peu avant l’arrivée sur l’agglomération de  Limassol le site antique d’Amathus, hélas coincé entre une route et une autoroute, s’étale sur une colline et descend jusqu’à la mer, son port étant désormais submergé.

 

 L’endroit revendique la présence d’Ariane qui aurait été abandonnée sur la plage toute proche par Thésée, puis serait morte en couches. Les habitants du début de notre ère montraient même sa tombe. Cette histoire me laisse perplexe. D’abord je croyais Thésée meilleur navigateur que cela car on ne peut pas dire que l’île de Chypre soit vraiment placée sur la route maritime qui relie la Crète à Athènes. Mais, bon, avec les tempêtes sait-on jamais … Ensuite Ariane n’est pas morte en couches sinon comment aurait-elle pu faire la foire ensuite avec Dionysos qui, comme chacun sait, aimait les agapes, la musique et le bon vin ? Non, non. Ariane a été abandonnée par ce salaud de Thésée qui lui avait promis de l’épouser mais n’en avait déjà plus envie sur une plage de Naxos d’après certains, sur l’ile de Dia tout près d’Héraklion d’après d’autres sources, et y fut trouvée là, désespérée mais vite consolée – et à mon avis n’ayant pas perdu au change -, par Dionysos (ou Bacchus si vous préférez).

 

Si nous avions couché la veille chez des Russes (les touristes et vacanciers de langue russe semble être majoritaires sur Chypre), cette fois nous étions reçus par un couple de Chinois et leur fille. Après un essai peu concluant pour s’installer  en Géorgie les voici à Chypre. Pour l’instant ils apprennent la langue et voient « comment vivent les gens » (sic) et c’était assez touchant ce matin d’entendre cet homme répéter devant son ordinateur les termes basiques « kaliméra » (bonjour) et « kala, kala » (bien, bien). Je parie que dans six mois ce Chinois parlera grec couramment.

Le site de Kourion est situé entre Limassol et Paphos mais nous n’aurions pas eu le temps de le visiter tranquillement en cours d’étape. Nous y sommes donc allés tout spécialement de Limassol, sans les bagages. Encore une ville hellénistique, puis romaine, située sur une colline face à la mer. L’endroit est superbe. On se promène entre les vieilles pierres comme dans un parc, avec quelques belles surprises comme les mosaïques des bains et des maisons patriciennes. La ville fut entièrement détruite par le tremblement de terre de l’an 365.

Les premiers vingt kilomètres en sortant de Limassol sont tout plat, mais après, ça se corse. La côte est une succession de falaises, et donc de côtes et de vallons à franchir.

 

C’est sur cette côte qu’Aphrodite sortit des eaux, au pied du rocher de Romiou.

Pour la petite histoire :

 

Cronos haïssait son Père Ouranos qui le maintenait, ainsi que ses frères, dans le sein de la Terre. Aidé par sa Mère Gaia il mutila son père et jeta ses organes génitaux dans la mer. Le sperme libéré forma une écume d’où naquit Aphrodite (dont la racine aphros signifie écume en Grec). Chevauchant une coquille et poussée par le vent Zéphir, elle aborda d’abord l’île de Cythère puis Paphos dans l’île de Chypre.

Nous avions loué à Paphos un studio d’une pièce avec kitchenette, d’après la description, et ce fut un appartement de deux pièces et une vraie cuisine, balcon suffisamment grand pour y mettre les vélos. Impeccable. La vue donne sur un parking, mais on ne peut pas tout avoir.

Si vous voulez rendre un coin hideux, pas difficile. Aménagez-le exprès pour les vacanciers. Réussite à coup sûr. Et à Paphos le résultat est spectaculaire. C’est vraiment très laid. Mais il y a des merveilles à voir, bien plus anciennes que toute cette camelote de mauvais goût de nos modernes amusements.

 

A voir donc les ruines de l’antique ville grecque puis romaine 

 la fabuleuse collection de mosaïques des IVème et Vème siècles in situ (Cette fois encore nous ne vous en offrons qu’un échantillon)

Ensuite le parc des tombes dites royales, creusées dans le roc comme des habitations troglodytes. C’est étrange et émouvant. Le visiteur se promène dans ces fosses et ces grottes dont on ne sait plus si elles ont été creusées par main d’homme ou par la nature. Et puis il y a ces tombeaux qui sont carrément comme  des temples dans un puits, taillés dans la masse rocheuse.

A 12 km  de Paphos, 400 mètres au-dessus de la mer, il y a le monastère d’Agios Neofitos. La grotte ermitage est entièrement décorée de fresques.

Après cet arrêt de 5 jours nous reprenions le tour de l’île afin de rejoindre notre point de départ. Pour aller à Polis sur la côte Nord de l’ile, il fallait franchir la chaine de montagne centrale. Nous avons choisi de la passer à l’endroit le plus bas – ce qui nous ressemble tout à fait – ce qui signifiait tout de même monter à plus de 600 mètres en 12 km.

Si nous avions jusqu’à maintenant vu de belles orangeraies et oliveraies, toute la pointe Sud de Chypre est plantée de bananiers  et les bananes chypriotes sont délicieuses. En montant sur le plateau ce furent les vignobles (à 600 m d’altitude !), puis les amandiers. Ajoutez à cela les figuiers et les terres à céréales du centre et c’est un pays de Cocagne. Mais l’activité bénie des dieux sur Chypre est pour l’instant la construction et la location de chambres et appartements pour vacanciers. 3,5 millions de touristes l’an dernier pour une population locale de moins d’un million. Ça rapporte sûrement plus que la banane !

 

 

Après Polis l’ancienne route longeait la côte mais notre GPS nous la refusait catégoriquement. A mieux regarder la carte on comprenait que toute une zone était occupée par des militaires turcs et qu’il n’était plus possible de passer. Résultat : 20 km de détour, dont 7 de côte. Il fallut pousser, pas tout du long quand même mais à plusieurs reprises, sous une petite pluie fine et sans vent. Au moins ne souffrions nous pas de la chaleur et l’odeur fraiche des pins mouillés était enivrante. Au sommet il y eut un peu de soleil et la question se posa : pause piquenique ou pas ? Les lourdes nuées qui s’amoncelaient nous en dissuadèrent. Autant rouler tant qu’il ne pleuvait pas. Dans la descente sur Kato Pyrgo un vent glacial nous tomba dessus et c’est à l’abri d’un mur, dans une station services puant l’essence, que nous mangions un bout.

Nous avons passé le check point  grec, puis le turc, vu un premier minaret, atteint l’unique hôtel trop cher où nous étions les seuls clients juste avant la pluie. Soirée triste et froide dans une chambre sans intérêt. Serait-ce le début de l’hiver ?

Malgré la météo très pessimiste et les nués d’encre nous ferons la route sans pluie jusqu’à Girne, mais avec un bon vent de face. Route bien agréable dans un paysage plus vert et plus rural sur cette côte Nord. En revenant en zone turque nous avions cependant retrouvé aussi les immeubles plantés dans des terrains vagues, constructions souvent inachevées, ruines neuves. Les déchets aussi, pourtant hélas pas complètement inexistants côté grec, sont plus nombreux le long de la route. Les 15 derniers kilomètres en bordure de mer seront pénibles avec une circulation dense et des bords de chaussée complètement défoncés. Les pires de l’île. Cette approche, puis traversée de cette petite ville nous sembla interminable et c’est 1km avant l’hôtel que la pluie, violente, nous surprendra, juste devant notre pâtisserie préférée et déjà fréquentée il y a un mois, dans laquelle nous nous sommes engouffrés. Les vélos, eux, resteront dehors, douchés, rincés comme au karcher.

Et nous voici, après avoir parcouru tout de même 1 100 km sur l'île de Chypre, dans l’attente d’un bateau qui nous ramène à Tasucu (Turquie).